Chalet Society The Museum of Everything I IV VI V I Joseph Karl Radler Untitled (Bohemia) © The Museum Of Everything II Sheilds Langdon SL Jones Untitled, (1970/80) © The Museum Of Everything III Morton Bartlett Untitled, c 1950/60 © The Museum Of Everything IV The Museum Of Everything, Exhibition #1, Turin, 2010 © The Museum Of Everything V ACM Untitled (2000) France © The Museum Of Everything VI Chalet Society © D.R. La Chalet Society — L’école du « réenchantement » Percutante, originale et inventive, la Chalet Society, issue de l’imaginaire de Marc- Olivier Wahler et co-fondée par Artevia et Art en Direct, se veut un espace d’expé- rimentation et de liberté. C’est ainsi avec fierté et bonheur que Slash s’associe à ce centre d’art d’un nouveau genre qui prend ses quartiers au cœur de Paris. À la faveur d’un partenariat avec le groupe immobilier Emerige et sur propo- sition de son directeur Laurent Dumas, la Chalet Society investit une ancienne usine de confiture réhabilitée après-guerre en école catholique. Sur plus de 1000 m 2 , ce bâtiment émaillé de micro-espaces propices à repenser la pratique de l’exposition a volontairement été laissé en l’état. Murs de briques rouges, traces de son occupation antérieure par les jeux d’enfants, autant de clins d’œil qui ravissent le nouveau « directeur » de ce PS1 miniature. Cette architecture brute, attachante et empreinte d’histoire reflète ainsi l’ob- jectif même de la Chalet Society ; désacraliser le rapport à l’art pour en faire un outil partagé de « réenchantement du monde ». Chalet Society Marc-Olivier Wahler – Entretien Guillaume Benoit — De quel besoin est né ce nouveau type de centre d’art, la Chalet Society ? Marc-Olivier Wahler — J’ai toujours beaucoup réfléchi à l’identité du lieu d’art. Le centre d’art en tant que tel est né d’un besoin bien particulier il y a plus de 150 ans avec les Kunsthalle ; notamment pour proposer des expositions tempo- raires et donner une visibilité aux artistes. Aujourd’hui, les musées et les galeries ont une identité très forte et, d’une cer- taine manière, font le travail d’un centre d’art. Aussi, la question fondamentale était : « Quelle identité peut avoir le centre d’art aujourd’hui ? » J’ai donc essayé de réfléchir en pointant vers d’autres disciplines et notamment l’informatique. Historiquement, les Software se sont structurés pour fonctionner sur des plateformes données (Hardware) et, plus le temps a passé, plus ces Software ont réussi à se dégager de l’architecture pour fonctionner et se greffer, sans changer d’identité, sur des plateformes totalement différentes. GB — L’idée d’occuper un lieu de façon éphémère est donc constitutive de ce projet ? MOW — Très rapidement en effet, la question fondamentale est deve- nue : « Pourquoi ne pas imaginer un centre d’art qui puisse se greffer comme un Software sur différentes architec- tures ? » On part donc de l’obtention d’un lieu pour une période donnée (ici cette ancienne école prêtée par un partenaire privé, le groupe Emerige pour un an environ) qu’on se propose d’investir en y créant un programme spécifique et, simultanément, de développer une iden- tité qui soit assez forte pour pouvoir la greffer sur des endroits différents. GB — Comment s’articule cette double perspective ? MOW — D’abord, il est impératif de créer un programme qui se différencie des autres centres d’art. J’ai toujours eu comme adage la phrase de Godard : « Ce sont les marges qui font tenir les lignes. » Cette idée de marge est très importante car elle s’accorde parfaitement avec l’absence de hiérarchie ; ce ne sont pas simplement les lignes qui donnent le contenu mais aussi les marges qui font tenir la totalité des significations. Une idée que partageait également un artiste qui m’a beaucoup influencé, Steven Parrino, pour qui le populaire et la haute culture se rejoignaient nécessairement quelque part. GB — Pour cette première exposition, vous invitez James Brett et son Museum of Everything (www.museumofevery thing. com), fruit d’une recherche à travers le monde d’artistes en marge des institu- tions ; c’est une façon de mettre en scène cette absence de hiérarchie ? MOW — L’idée de la Chalet Society, c’est de créer une communauté qui lie des artistes qui vivent par exemple reclus dans une chambre ou dans des asiles psychiatriques à des artistes qui exposent dans les plus grandes galeries. Nous essayons de regarder la valeur intrinsèque des œuvres, ce que ça veut dire, ce que ça nous apporte. Ce sont les valeurs de la Chalet Society, de même que la conscience poétique ; nous sommes convaincus ici que l’art n’est pas génie d’esprit et que l’appréhender exige un regard débarrassé de filtres qu’on veut bien nous donner politiquement, éthique- ment et moralement. D’où cette convic- tion qu’exposer des artistes en marge fait autant sens qu’exposer des artistes du marché. On prépare déjà une seconde exposition avec Tatiana Trouvé qui, si elle est une artiste totalement intégrée au marché de l’art, n’en produit pas moins un travail que j’estime être, lui aussi, en marge de la production contemporaine. GB — En marge, justement, de ces artistes, pour la plupart mécon- nus, exposés dans le Museum of Everything, des critiques, curateurs et artistes internationaux sont invités à écrire des notices. Cette notion de dia- logue vous paraît importante ? MOW — Il est très intéressant de consta- ter, précisément pour l’histoire de l’art, qu’il y a de nombreux artistes très connus, tels Maurizio Cattelan ou John Baldessari qui ont écrit sur les artistes présentés et qui ont communiqué l’influence que ces derniers ont pu avoir sur eux. Il y a dix ou vingt ans, peu de monde les connaissait, excepté des artistes, ce qui prouve à quel point leur œil peut être impressionnant. GB — C’est aussi par ce croisement de regards qu’on peut ouvrir l’art à différents publics ? MOW – Face à l’incompréhension dans l’art contemporain, il faut essayer de trouver des discours qui ne soient pas uniquement théoriques. Quand on parle d’un être humain qui se transforme en extra-terrestre dans un film de science- fiction par exemple, tout le monde trouve ça normal, mais quand on a un objet usuel qui se transfigure en objet d’art, il semble que cela devient plus difficile de comprendre. GB — Ce surgissement de domaines autonomes (physique quantique, science- fiction, etc.) au sein de l’art contemporain est un combat que vous menez depuis longtemps maintenant dans les exposi- tions que vous organisez... MOW — Ce qui me paraît le plus impor- tant, c’est le « quotient schizophrénique » d’une œuvre d’art. C’est-à-dire que plus l’œuvre est capable d’emmagasiner des interprétations différentes, plus elle gagne en densité et en efficacité. C’est effectivement mon « grand combat » d’amener le spectateur non pas seule- ment à voir une œuvre mais à la voir dans un contexte plus large. Le contexte doit être tellement large, tellement englobant qu’il faut que cela devienne presque impossible de ne se concentrer que sur une œuvre. Bâtir un système de corres- pondances entre les œuvres, les artistes et les courants qui soit actif et non plus seulement un point fixe dans l’espace est, finalement, ce qui m’intéresse vraiment. GB — L’autonomie est, à terme, l’un des objectifs de la Chalet Society ? MOW — L’ambition de la Chalet Society est effectivement de devenir un instrument efficace au service des artistes. De même qu’avec l’appel aux contributions du public par le biais de MyMajorCompany qui l’inscrit dans un cadre « collectif », j’aimerais que les artistes s’emparent de la Chalet Society et y construisent des projets avec d’autres artistes, qu’elle dépasse finalement ses organisateurs et dégage certaines « envies de faire ». III II Supplément Spécial Chalet Society N° 01 slash.fr Dec 2012 Dec 2012